Instantie: Hof van Justitie EG, 17 oktober 1989

Instantie

Hof van Justitie EG

Samenvatting


De Deense onderneming Danfoss betaalde aan de werknemers salarissen die
waren samengesteld uit een basisbeloning en individuele toeslagen. De
samenstelling van het salaris werd niet gespecificeerd. De vakbond had
aangetoond dat de gemiddelde door Danfoss betaalde beloning van mannen 6,85
procent hoger was dan die van vrouwen

Het Hof is van mening dat de werkgever moet bewijzen dat zijn
ondoorzichtige beloningssysteem niet discriminerend is voor vrouwen

De tweede vraag die het Hof moest beantwoorden was of de criteria
flexibiliteit, beroepsopleiding en ancienniteit, op basis waarvan de
individuele toeslagen werden vastgesteld, stelselmatig nadelig zijn voor
vrouwen

Heeft flexibiliteit betrekking op de kwaliteit van de prestaties en zou
blijken dat dit systematisch ten nadele van vrouwen uitpakt, dan kan er
slechts sprake zijn van een verkeerde toepassing van dit criterium, aldus het
Hof

Heeft flexibiliteit betrekking op de werktijden en leidt dit tot
benadeling van de vrouwelijke werknemers, dan levert dit slechts een vermoeden
van (indirecte) discriminatie op. De werkgever moet aantonen dat dit
criterium van belang is in verband met de specifieke taken van de betrokken
werknemer

Voor het criterium van de beroepsopleiding geldt hetzelfde. De
werkgever moet aantonen dat de beroepsopleiding van belang is voor de
specifieke taken van de betrokken werknemer

De werkgever hoeft het gebruik van het criterium ancienniteit niet te
rechtvaardigen. Ancienniteit betekent ervaring en ervaring zorgt ervoor dat
de werknemer zijn taak beter kan vervullen. Ancienniteit mag worden
beloond

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(…)

1.a

Lorsque, par hypothese, un travailleur masculin et un travailleur
feminin effectuent le meme travail ou un travail de valeur egale, a qui
incombe la charge de demontrer qu’une remuneration differente entre deux
salaries est due ou n’est pas due a des considerations liees au sexe?

1.b

Est-il contraire a la directive sur l’egalite des remunerations de
verser un salaire plus eleve a des salaries masculins effectuant le meme
travail ou un travail de meme valeur que des salaries feminins, en se fondant
a cet egard uniquement sur des criteres subjectifs, tels que la plus grande
flexibilite d’un collaborateur (masculin)?

2.a

La directive communautaire precitee s’oppose-t-elle a ce que des
majorations specifiques en raison de l’anciennete, d’une formation
particuliere, etc., s’ajoutant au salaire de base de la categorie, soient
allouees a des travailleurs de sexe different, effectuant le meme travail ou
un travail de valeur egale?

2.b

Pour autant que la reponse a la question 2.a. soit affirmative, comment
une entreprise peut-elle, sans enfreindre la directive, operer une
differenciation de la remuneration entre ses differents collaborateurs?

2.c

La directive communautaire precitee s’oppose-t-elle a ce que des
travailleurs de sexe different, effectuant le meme travail ou un travail de
valeur egale, soient renumeres differemment en fonction d’une difference de
formation professionnelle?

3.a

Pour peu qu’ils demontrent qu’une entreprise employant un nombre
relativement important de travailleurs (par exemple, au minimum 100)
effectuant un travail semblable ou de meme valeur verse en moyenne une
remuneration moindre pour les femmes, par rapport aux hommes, un travailleur
ou une organisation de travailleurs sont- ils en mesure, ce faisant, de
demontrer qu’il y a par la meme infraction a la directive?

3.b

En cas de reponse affirmative a la question 3.a, en resulte-t-il que les
deux groupes de salaries (hommes et femmes) doivent percevoir en moyenne le
meme salaire?

4.a

Pour autant qu’on puisse constater qu’une difference de remuneration
pour un meme travail est liee au fait que les deux salaries relevent de
conventions collectives differentes, cette constation emporte-t-elle a cet
egard l’inapplicabilite de la directive?

4.b

Importe-t-il aux fins de l’appreciation de la precedente question que
les champs d’application respectifs des deux conventions collectives
s’etendent majoritairement, voire en totalite, respectivement a des
travailleurs masculins et feminins?

(…)

Sur la charge de la preuve (premiere question sous a et troisieme
question sous a)

10. Il resulte du dossier que le litige entre les parties au principal
trouve son origine dans le fait que le mecanisme des majorations individuelles
appliquees aux remunerations de base est mis en oeuvre de telle facon qu’un
travailleur feminin se trouve dans l’impossibilite d’identifier les causes
d’une difference entre son salaire ent celui d’un travailleur masculin
effectuant le meme travail. En effet, les travailleurs ignorent quels sont
les criteres de majoration qui sont appliques a leur egard et comment ils le
sont. Ils ne prennent connaissance que du montant de leur salaire majore,
sans pouvoir determiner l’incidence qu’a eue chacun des criteres de
majoration. Ceux qui relevent d’une classe salariale donnee sont donc dans
l’impossibilite de comparer les differentes composantes de leur salaire avec
celles du salaire de leurs collegues qui font partie de la meme classe
salariale

11. Dans ces conditions, les questions posees par la juridiction
nationale doivent etre comprises comme visant a savoir si la directive sur
l’egalite des remunerations doit etre interpretee en ce sens que, lorsqu’une
entreprise applique un systeme de remuneration qui est caracterise par un
manque total de transparence, l’employeur a la charge de prouver que sa
pratique salariale n’est pas discriminatoire, des lors que le travailleur
feminin etablit, par rapport a un nombre relativement important de salaries,
que la remuneration moyenne des travailleurs feminins est inferieure a celle
des travailleurs masculins

12. A cet egard, il y a lieu de rappeler, d’abord, que, dans son arret
du 30 juin 1988 (commission c. France, 318/86, non encore publie au Receuil,
point 27), la Cour a condamne un systeme de recrutement caracterise par un
manque de transparence comme etant contraire au principe de l’egalite d’acces
a l’emploi, au motif que ce manque de transparence empechait toute forme de
controle de la part des juridictions nationales

13. Il convient de souligner, ensuite, que, dans une situation ou est en
cause un mecanisme de majorations de salaire individuelles caracterise par un
manque total de transparence, les travailleurs feminins ne peuvent etablir de
difference qu’entre des remunerations moyennes. Ils seraient prives de tout
moyen efficace de faire respecter le principe de l’egalite des remunerations
devant la juridiction nationale si le fait d’apporter cette preuve n’avait pas
pour effet d’imposer a l’employeur la charge de demontrer que sa practique
salariale n’est, en realite, pas discriminatoire

14. Il convient de remarquer, enfin, qu’aux termes de l’article 6 de la
directive sur l’egalite des remunerations, les Etats membres doivent prendre,
conformement a leurs situations nationales et a leurs systemes juridiques, les
mesures necessaires pour garantir l’application du principe de l’egalite des
remunerations et s’assurer de l’existence de moyens efficaces permettant de
veiller au respect de ce principe. Le souci d’efficacite qui sous-tend
ainsi la directive doit conduire a interpreter celle-ci comme impliquant des
amenagements aux regles nationales relatives a la charge de la preuve dans les
situations particulieres ou ces amenagements sont indispenables a la mise en
oeuvre effective du principe d’egalite

15. Pour prouver que sa pratique salariale ne defavorise pas
systematiquement les travailleurs feminins, l’employeur devra indiquer comment
il a applique les criteres de majoration et sera ainsi amene a rendre son
systeme de remuneration transparent

16. Dans ces conditions, il y a lieu de repondre a la premiere question
sous a) et a la troisieme question sous a) que la directive sur l’egalite des
remunerations doit etre interpretee en ce sens que, lorsqu’une entreprise
applique un systeme de remuneration qui est caracterise par un manque total de
transparence, l’employeur a la charge de prouver que sa pratique salariale
n’est pas discriminatoire, des lors que le travailleur feminin etablit, par
rapport a un nombre relativement important de salaries, que la remuneration
moyenne des travailleurs feminins est inferieure a celle des travailleurs
masculins

Sur la legalite des criteres de majoration en cause (premiere question
sous b et deuxieme question sous a et c)

17. Ces questions visent essentiellement a savoir si la directive doit
etre interpretee en ce sens que, lorsqu’il apparait que l’application de
criteres de majoration tels que la flexibilite, la formation professionelle ou
l’anciennete du travailleur, defavorise systematiquement les travailleurs
feminins, l’employeur peut neanmoins, et a quelles conditions, en justifier
l’utilisation. Pour repondre a cette question, il convient d’examiner
chacun de ces criteres separement

18. En ce qui concerne, en premier lieu, le critere de la felexibilite,
le dossier ne fait pas apparaitre clairement la portee qui doit lui etre
attribuee. A l’audience, la Confederation patronale a expose que le fait
d’etre pret a travailler a des heures differentes ne justifiait pas, en soi,
une majoration de salaire. Pour appliquer le critere de la flexibilite,
l’employeur evaluerait globalement la qualite du travail effectue par ses
employes. A cette fin, il tiendrait compte notamment de leur ardeur au
travail, de leur sens de l’initiative et du volume de travail accompli

19. Dans ces conditions, il y a lieu de faire une distinction selon que
le critere de la flexibilite est utilise pour remunerer la qualite du travail
effectue par l’employe ou qu’il est utilise pour remunerer l’adaptabilite de
l’employe a des horaires et des lieux de travail variables

20. Dans le premier cas, le critere de la flexibilite est
incontestablement tout a fait neutre sous le rapport du sexe. Lorsqu’il
aboutit a defavoriser systematiquement les travailleurs feminins, cela ne peut
etre que parce que l’employeur l’a applique de maniere abusive. Il n’est
pas concevable, en effet, que la qualite du travail effectue par ces derniers
soit generalement moins bonne. L’employeur ne peut, des lors, pas justifier
l’utilisation du critere de flexibilite, ainsi entendu, lorsque son
application se revele systematiquement defavorable aux femmes

21. Il en est autrement dans le second cas. S’il est entendu comme
recouvrant l’adaptabilite du travailleur a des horaires et des lieux de
travail variables, le critere de la flexibilite peut egalement jouer au
detriment des travailleurs feminins qui, en raison des taches menageres et
familiales dont elles ont souvent la responsabilite, peuvent, moins aisement
que les travailleurs masculins, organiser leur temps de travail de facon
souple

22. Dans son arret du 13 mai 1986 (Bilka, 170/84, Rec. p. 1607), la Cour
a estime que la politique d’une entreprise tendant a remunerer globalement
davantage les travailleurs a temps plein que les travailleurs a temps partiel,
exclus d’un regime de pensions d’entreprise, pouvait frapper un nombre
beaucoup plus eleve de femmes que d’hommes, compte tenu des difficultes que
rencontrent les travailleurs feminins pour travailler a temps plein. Elle a
neanmoins juge que l’entreprise pouvait etablir que sa pratique salariale
etait determinee par des facteurs objectivement justifies et etrangers a toute
discrimination fondee sur le sexe et que si l’entreprise y parvenait, il n’y
avait pas infraction a l’article 119 du traite. Ces considerations valent
egalement dans le cas d’une pratique salariale qui remunere specialement
l’adaptabilite des travailleurs a des horaires et des lieux de travail
variables. L’employeur peut donc justifier la remuneration d’une telle
adaptabilite en demontrant que celle-ci revet de l’importance pour l’execution
des taches specifiques qui sont confiees au travailleur

23. En ce qui concerne, en deuxieme lieu, le critere de la formation
professionnelle, il n’est pas exclu qu’il puisse jouer au detriment des
travailleurs feminins dans la mesure ou ceux-ci auraient eu moins de
possibilites d’acquerir une formation professionnelle aussi pousse que les
travailleurs masculins ou auriaient ces possibilites dans une mesure moindre
Toutefois, eu egard aux considerations enoncees dans l’arret du 13 mai
1986, precite, l’employeur peut justifier la remuneration d’une formation
professionnelle particuliere, en demontrant que cette formation revet de
l’importance pour l’execution des taches specifiques qui sont confiees au
travailleur

24. En ce qui concerne, en troisieme lieu, le critere de l’anciennete,
il n’est pas exclu non plus qu’il puisse, comme celui de la formation
professionnelle, entrainer un traitement moins favorable des travailleurs
feminins que des travailleurs masculins dans la mesure ou les femmes sont
entrees plus recemment sur le marche du travail que les hommes ou subissent
plus frequemment une interruption de carriere. Toutefois, comme
l’anciennete va de pair avec l’experience et que celle-ci met generalement le
travailleur en mesure de mieux s’acquitter de ses prestations, il est loisible
a l’employeur de la remunerer, sans qu’il ait a etablir l’importance qu’elle
revet pour l’execution des taches specifiques qui sont confiees au
travailleur

25. Dans ces conditions, il y a lieu de repondre a la premiere question
sous b) et a la deuxieme question sous a) et c) que la directive sur l’egalite
des remunerations doit etre interpretee en ce sens que, lorsqu’il apparait que
l’application de criteres de majoration tels que la flexibilite, la formation
professionnelle ou l’anciennete du travailleur, defavorise systematiquement
les travailleurs feminins,

– l’employeur peut justifier le recours au critere de la flexibilite
s’il est entendu comme visant l’adaptabilite a des horaires et des lieux de
travail variables, en demontrant que cette adaptabilite revet de l’importance
pour l’execution des taches specifiques qui sont confiees au travailleur, mais
non si ce critere est compris comme recouvrant la qualite du travail accompli
par le travailleur;

– l’employeur peut justifier le recours au critere de la formation
professionnelle en demontrant que cette formation revet de l’importance pour
l’execution des taches specifiques qui sont confiees au travailleur;

– l’employeur ne doit pas specialement justifier le recours au critere
de l’anciennete

Sur la facon dont l’employeur peut legalement differencier les
remunerations de ses salaries (deuxieme question sous b)

26. Etant donne les reponses apportees aux questions sur la legalite des
criteres de majoration en cause (premiere question sous b et deuxieme question
sous a et c) ont fait apparaitre de quelle maniere la legalite de ces criteres
de majoration devait etre appreciee en droit communautaire, la question sur la
facon dont l’employeur peut legalement differencier la remuneration de ses
salaries (deuxieme question sous b) devient sans objet

Sur l’incidence de l’existence de deux conventions collectives
distinctes (quatrieme question)

27. Par cette question, la juridiction nationale veut savoir si
l’existence de deux conventions collectives distinctes s’appliquant, pour
l’essentiel, respectivement a des travailleurs masculins et a des travailleurs
feminins, a pour effet d’ecarter l’application de la directive sur l’egalite
des remunerations

28. A cet egard, il convient de remarquer que l’ordonnance de renvoi
elle-meme fait apparaitre que la convention collective du 9 mars 1983,
precitee, est la seule en cause en l’espece. Les parties au litige l’ont,
par ailleurs, confirme devant la Cour a l’audience. Dans ces conditions, il
n’y a pas lieu de repondre a la quatrieme question posee par la juridiction
nationale

Sur les depens

29. Les frais exposes par les gouvernements danois, britannique,
portugais et italien et par la Commission des Communautes europeennes, qui ont
presente des observations a la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un
remboursement. La procedure revetant, a l’egard des parties au principal,
le caractere d’un incident souleve devant la juridiction nationale, il
appartient a celle-ci de statuer sur les depens

Par ces motifs,

LA COUR,

statuant sur les questions a elle soumises par le tribunal d’arbitrage
categoriel, par ordonnance du 12 octobre 1987, dit pour droit:

La directive no. 75/117 du Conseil, du 10 fevrier 1975, concernant le
rapprochement des legislations des Etats membres relatives a l’application du
principe de l’egalite des remunerations entre les travailleurs masculins et
les travailleurs feminins doit etre interpretee en ce sens que

1. Lorsqu’une entreprise applique un systeme de remuneration qui est
caracterise par un manque total de transparence, l’employeur a la charge de
prouver que sa pratique salariale n’est pas disriminatoire, des lors que le
travailleur feminin etablit, par rapport a un nombre relativement important de
salaries, que la remuneration moyenne des travailleurs feminins est inferieure
a celle des travailleurs masculins

2. Lorsqu’il apparait que l’application de criteres de majoration tels
que la flexibilite, la formation professionnelle ou l’anciennete du
travailleur, defavorise systematiquement les travailleurs feminins,

– l’employeur peut justifier le recours au critere de la flexibilite
s’il est entendu comme visant l’adaptabilite a des horaires et des lieux de
travail variables, en demontrant que cette adaptabilite revet de l’importance
pour l’execution des taches specifiques qui sont confiees au travailleur, mais
non si ce critere est compris recouvrant la qualite du travail accompli par le
travailleur;

– l’employeur peut justifier le recours au critere de la formation
professionnelle en demontrant que cette formation revet de l’importance pour
l’execution des taches specifiques qui sont confiees au travailleur;

– l’employeur ne doit pas specialement justifier le recours au critere
de l’anciennete

Rechters

M.O. Due, M. Zuleeg, T. Koopmans, R. Joliet, J.C. Mortinho de Almeida,G.C. Rodriguez Iglesias en M. Diez de Velasco